Mode et inclusion 21 mars 2024

Quand la mode améliore la vie des personnes avec un TSA

Écrit par Elisa Fulco

Après avoir réalisé en 2006 le film documentaire Autism Every day sur la vie de tous les jours des parents d’enfants autistes, Lauren Thierry a compris à quel point l’habillement de ces enfants était source de tensions et de conflits. Son expérience personnelle, ainsi que les témoignages des focus groupes, ont renforcé son envie de trouver des solutions pour améliorer le quotidien de ces familles, grâce à un design adapté aux problèmes récurrents qui ralentissent ou empêchent l’autonomie des jeunes. Ceux-ci souffrent au niveau sensoriel et tactique en raison du contact avec certains tissus, ne savent pas reconnaître le devant d’un habit, ne disposent pas d’une motricité leur permettant de faire et défaire les lacets, d’attacher des boutons ou encore d’utiliser une fermeture éclair. Laurent Thierry a fait le pari qu’avec des habits adaptés pour surmonter ces obstacles, les enfants peuvent s’habiller de manière autonome en trois minutes seulement. S’inspirant du principe des cinq c : Compassion, Compensation, Camouflage, Connexion et Classique, elle a créé en 2014 la marque Independence day adaptive, dont les habits ont un style classique, des tissus doux et élastiques, ne comportent ni boutons ni étiquettes, dont l’avant est pareil que l’arrière et avec la possibilité d’insérer de manière invisible un dispositif technologique comme un GPS.

Les liens entre l’habillement et l’autisme sont aujourd’hui reconnus, et on sait que l’adaptation forcée des enfants à l’école, et plus tard des adultes au monde du travail, a de lourdes conséquences émotionnelles lorsque ces milieux sont perçus comme hostiles. L’habillement peut dès lors représenter un refuge sécuritaire, comme le témoigne la campagne de Vanish Me, My Autism and I, primée à plusieurs reprises.

Après avoir mené une recherche à la Cornell University, Julia DeNey a créé en 2020 la marque Sense-ational You. Aestetic for neurodiversity children, spécialement conçue pour les enfants avec un trouble du spectre autistique (TSA) et un trouble du traitement sensoriel (SPD). Ces habits offrent une réponse aux problèmes tactiles et auditifs. Selon les statistiques, environ un enfant sur 36 aux États-Unis est identifié comme ayant un TSA, et parmi ceux-ci le 90% développe une diversité sensorielle. Il s’agit d’un marché que la mode a négligé jusqu’à présent. C’est aussi pour cette raison que la Chambre de la Mode de Milan a décerné en 2023 le Sustainable Fashion Awards à la marque Sense-ational You. Son produit phare est un sweat à capuche muni d’un capteur qui réduit le bruit et garanti aux enfants une isolation acoustique, avec des résultats thérapeutiques positifs.

Pour terminer cet approfondissement sur les liens entre la mode et l’autisme, nous pouvons aussi mentionner le dernier livre d’Adam Feinstein (1) : Autism work. A Guide to Successful Employment across the Entire Spectrum. On apprend en le lisant que de nombreuses personnes avec un TSA travaillent dans les domaines les plus divers, dont celui de la mode. Le top model danois Nina Marker s’engage de son côté pour améliorer l’image de sa communauté, qui ne fait que grandir et n’a plus peur d’afficher son trouble. Défiant les stéréotypes et la discrimination, elle a posté sur son compte Instagram une photo où elle porte un tee-shirt bleu avec le dessin d’une abeille et l’écriture : « Bee kind. I have autism ». Elle prouve ainsi que le Syndrome d’Asperger n’empêche pas de mener une carrière dans le monde de la mode.

 

(1) Adam Feinstein avait déjà publié en 2010 A History of Autism. Conversation with the Pioneers, un livre devenu une référence internationale.

Traduction de l’italien : Teresa Maranzano
Relecture : Emilie D’Introno-Faviez

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