Dans la chronique « 12 points ! », je vous raconte le parcours des personnes en situation de handicap ayant participé à l’Eurovision, dont la tenue – vêtement ou accessoire – a ajouté à leur chanson une signification symbolique. Comme vous le savez peut-être, le monde de la mode et le monde du handicap ont aussi bien des différences comme des points communs. Et parmi ces points communs, il y a la perception du monde, dans le sens où le monde de la mode et le monde du handicap se connectent – en simultané ou de façon différente – avec les évènements, passés ou présents.
Dans l’article précédent, je vous ai raconté l’histoire de Pertti Kurikan Nimipäivat, un groupe finlandais qui a choisi d’être fidèle à soi-même tout en faisant preuve d’audace durant leur prestation. Pour ce quatrième numéro, je vous présente une chanteuse géorgienne qui a participé à l’Eurovision 2008 de Belgrade, en Serbie.
Nom : Diana Gudaevna Gurtskaya
Pronoms : elle/elle
Date de naissance : 2 juillet 1978
Diana Gurtskaya est née à Soukhomi, une ville abkhaze qui faisait partie à l’époque de l’Union Soviétique. Aveugle de naissance et cadette d’une famille nombreuse, Diana rêvait de devenir chanteuse depuis son plus tendre enfance, car elle avait appris à chanter en même temps qu’elle avait appris à parler. Sa mère a pris le potentiel de Diana très au sérieux et lui a offert un piano jouet comme premier instrument de musique.
À l’âge de 7 ans, Diana a été envoyée par ses parents dans un pensionnat pour enfants aveugles et malvoyant·e·s à Tbilissi, pour qu’elle puisse recevoir une éducation à part entière. Grâce à sa persévérance, elle a réussi à convaincre les professeurs de musique qu’elle était capable d’apprendre à jouer au piano.
Diana avait 10 ans quand elle s’est produite sur scène pour la première fois dans la salle philharmonique de Tbilissi aux côtés de la célèbre chanteuse Irma Sokhadze. La manière particulière de chanter de la jeune fille a fait l’unanimité du public. Grâce à cet évènement, Diana a compris que la musique était sa vocation.
En parallèle, suite à la dissolution de l’Union Soviétique et à la guerre qui s’en est suivie dans la région d’Abkhazie au début des années 1990, la famille de Diana a dû quitter Soukhomi. Elle s’est installée à Moscou après avoir vécu dans un camp de personnes réfugiées. Cette guerre a profondément marqué Diana en tant que témoin.
En 1995, l’année où elle a terminé le pensionnat, Diana a gagné le concours international de jeunes interprètes Yalta-Moscou-Transit et reçu un prix spécial du jury avec sa chanson « Tbiliso » (Tbilissi). Depuis, Diana est devenue célèbre dans de nombreux pays comme la Géorgie, l’Ukraine, la Russie et Israël, elle a été lauréate dans plusieurs festivals et autres évènements musicaux, et elle a collaboré avec des grands noms de la musique comme Toto Cutugno, Ray Charles, Alla Pougatcheva et Demis Roussos.
En 1999, Diana a obtenu son diplôme au département de chant de l’Académie russe de musique Gnessine à Moscou.
L’an 2000, Diana a lancé son premier album « Ty zdess » (Tu es ici).
Après deux autres albums, « Ty znayesh, Mama… » (Tu sais, Maman…) en 2002 et « Utro » (Matin) en 2003, Diana a commencé ses études à l’Académie russe des arts du théâtre de Moscou.
En 2006, Diana a reçu le prix d’Artiste Émérite de la Russie. En 2007, elle a participé à l’Eurofest 2007, la finale nationale biélorusse pour choisir la candidature pouvant représenter le Belarus à l’Eurovision 2007 de Helsinki, en Finlande. Au final, bien que Diana a été une des trois candidatures les plus votées, elle n’a pas gagné la compétition.
En 2008, Diana Gurtskaya a remporté la finale nationale géorgienne, ce qui lui a permis de participer au Concours Eurovision de la Chanson 2008 pour la Géorgie. Sa chanson « Peace will come » (La paix viendra), s’inspire des souvenirs et des sentiments que Diana a ressentis en tant que témoin de la guerre que sa terre natale était en train de vivre depuis les dernières années de l’Union Soviétique, d’où notamment ces paroles : « My land is still crying, torn in half » (Ma terre pleure toujours, déchirée en deux).
Kim Breitburg, auteur-compositeur-interprète russe né à Lviv (ville soviétique à l’époque et aujourd’hui ukrainienne), a composé la musique, tandis que le parolier russo-arménien Karen Kavaleryan a écrit les paroles.
Dans la chanson « Peace will come », Diana chante ces paroles percutantes : « While we fight for nothing, my eyes run dry. Are you still so blind to ask me why? » (Tandis que nous nous battons pour rien, mes yeux s’assèchent. Êtes-vous toujours si aveugles pour me demander pourquoi ?)
Pour sa prestation à l’Eurovision 2008, Diana Gurtskaya a fait appel à deux designers de mode russes, Dima Vinokurov et Lyuba Sukhova, pour ses deux tenues :
· Au début de la chanson, Diana porte une robe noire avec des rubans de la même couleur. Les choristes Anri Jokhadze, Inga Khitarova et Paulina Dmitrenko, tout comme les deux danseurs, portent aussi des tenues noires. Ce choix vestimentaire représente les conséquences de la guerre.
· Au point culminant de la chanson, les deux danseurs soulèvent une grosse voile blanche sur Diana et les choristes, pour dévoiler les tenues blanches portées par Diana, les choristes et les danseurs. Le blanc symbolise la paix et renforce le message de la chanson.
À travers sa prestation, Diana nous montre que même sans la vue, chaque personne ressent à sa manière les évènements, notamment les plus difficiles, et que la perception du monde va même au-delà des cinq sens.
Résultats :
5e à la deuxième demi-finale.
11e à la finale.

