Mode et inclusion 5 avril 2025

Victoria’s Secret. Le retour des anges parfaits

Écrit par Elisa Fulco

Au défilé de New York d’octobre 2024 Victoria’s Secret a proposé de nouveau ses mannequins au corps parfait. La preuve qu’il est possible de changer de stratégie d’entreprise, mais aussi de revenir sur ses pas.
En 2014, le slogan de la collection « The Perfect Body » avait suscité une levée de bouclier. Comme le chiffre d’affaires de la marque avait déjà dégringolé à cause des effets polluants de sa politique d’entreprise, et du non-respect des droits de son personnel salarié, Victoria’s Secret a été bien obligée de prendre un virage plus inclusif pour éviter de perdre une part de marché.

En 2018, Victoria Beckam a suspendu les défilés pour se consacrer à un changement de cap en profondeur, avec notamment la création d’un collectif de femmes prônant l’acceptation de tous les corps (« A body for every body »). La marque a ensuite modifié son image à travers de nouveaux standards esthétiques, a élargi ses produits à un plus large spectre de morphologies féminines, a ajouté à son catalogue la lingerie adaptée à l’allaitement maternel et, en 2023, sa première collection de mode adaptée. Cette dernière a été promue par les modèles Sofía Jirau, porteuse d’une trisomie 21, et Elisabetta Dessy, âgée de plus de 60 ans. Ce processus de changement, qui se voulait sincère et durable, n’a pas empêché certains d’y voir une conversion opportuniste et une forme de social washing.

Une hypothèse qui semble confirmée par le retour des Anges de Victoria’s Secret au lendemain de la mise en œuvre des décrets présidentiels de Donald Trump contre les politiques d’entreprise en faveur du DEAI (Diversity, Equity, Access and Inclusion). Une vague anti-woke qui annonce le retour d’un capitalisme qui bafoue d’un trait toute forme de protection des droits des personnes minorisées.

Si la Silicon Valley n’a pas hésité à adhérer aux politiques de Donald Trump, et a effacé les programmes en faveur de la diversité et de l’inclusion de son agenda, on ne peut pas en dire autant du secteur de la mode qui semble au contraire résister à cette pression. Un signal est le soutien manifesté à Patagonia par le groupe du luxe LVHM, en faveur du maintien de la diversité et de l’inclusion comme piliers fondamentaux de la responsabilité sociale d’entreprise.

Aujourd’hui, en 2025, on ne peut plus se contenter de faire défiler un ou deux mannequins de plus de 50 ans pour se targuer d’une politique inclusive. Si on lit les reports des tendances, la perfection n’est plus à la mode chez les jeunes générations. La question reste donc ouverte : à qui parlent les Anges de Victoria’s Secret ?

Traduction de l’italien : Teresa Maranzano
Relecture : Emilie D’Introno-Favier

Articles qui peuvent également vous intéresser