Dans le monde institutionnel, le choix des vêtements est-il libre pour les bénéficiaires ?
Deux étudiantes de la Haute École de Travail social de Lausanne, Lou-Anne et Romane de Martini, se sont posées la question et ont mené une recherche participative au sein d’un établissement romand. Elles partagent leurs résultats.
En Suisse, de nombreuses personnes adultes avec une déficience intellectuelle (DI) vivent en institution. Ces personnes bénéficient d’un accompagnement au quotidien, et l’un des aspects essentiels de cet accompagnement est l’autodétermination : pouvoir faire ses propres choix, que ce soit pour les repas, les loisirs, ou les vêtements. Mais en réalité, offrir un véritable choix peut s’avérer compliqué. Cela dépend de contraintes personnelles, sociales, et même environnementales.
Notre étude, menée dans le cadre d’un travail de Bachelor, s’est déroulée dans une institution accueillant des personnes en situation de handicap. Nous avons cherché à identifier ce qui facilite ou freine le choix des vêtements pour les résident·e·s, que ce soit au quotidien ou lors des achats.
Pour ce faire, des questionnaires ont été distribués aux professionnel·le·s et aux résident·e·s, et des entretiens ont été réalisés avec quatre résident·e·s.
Notre but ? Mieux comprendre comment ces personnes choisissent leurs vêtements et quelles sont les difficultés qu’elles rencontrent.
Les résultats obtenus montrent que de nombreuses raisons influencent le choix des vêtements. Ces raisons sont différentes entre les résident·e·s et les professionnel·le·s, mais trois potentiels freins ressortent : l’organisation institutionnelle, le poids des normes sociales, et le manque d’accessibilité.
Organisation institutionnelle
Le temps disponible dans les équipes joue un rôle important. Pour certains professionnel·le·s, laisser les résident·e·s choisir prend trop de temps et cela entre en conflit avec d’autres tâches. D’autres pensent qu’une meilleure organisation et anticipation suffiraient pour permettre un réel accompagnement personnalisé.
Les normes sociales : qui influencent-elles vraiment ?
Nous suivons toutes et tous des normes sociales, et cela influence notre façon de nous habiller.
Notre étude montre que ce sont surtout les professionnel·le·s qui y sont sensibles. Beaucoup insistent sur l’importance de vêtements adaptés à certains événements, avec des couleurs harmonieuses, pour favoriser l’inclusion sociale des résident·e·s. Certain·e·s pensent même que des vêtements peuvent stigmatiser et renforcer l’exclusion. Choisir des vêtements jugés « adaptés » permettrait de protéger les résident·e·s du regard des autres. Nous faisons l’hypothèse que, de façon inconsciente, les professionnel·le·s voudraient éviter aux résident·e·s la pression sociale liée à l’apparence, en les amenant à suivre les normes sociales pour prévenir les jugements négatifs.
L’accessibilité : facilitée parfois, mais pas sans entrave
Selon les réponses obtenues, les obstacles liés à l’accessibilité sont nombreux et peuvent être classés en trois catégories :
– Accessibilité physique : des infrastructures adaptées comme des ascenseurs ou des grandes cabines d’essayage, mais aussi l’agencement des vêtements dans les magasins et dans les armoires.
– Accessibilité sociale : le regard des autres clients, parfois pressés ou peu tolérants, constitue une barrière. Cependant, les résident·e·s ont aussi relevé la bienveillance du personnel dans les magasins.
– Accessibilité des vêtements : les professionnel·le·s et les résident·e·s soulignent le manque de vêtements inclusifs qui sont notamment adaptés à des morphologies diverses ou à des personnes en fauteuil roulant.
Une réalité de terrain
Notre recherche montre que, pour une personne avec une déficience intellectuelle vivant en institution, le choix vestimentaire est limité par de nombreux facteurs et obstacles quotidiens. Le discours des professionnel·le·s reflète souvent une volonté de protéger les résident·e·s contre la stigmatisation. Les habitudes institutionnelles et la tendance des professionnel·le·s à décider à la place des résident·e·s prennent encore souvent le dessus.
En conclusion, offrir de véritables opportunités de choix est essentiel pour favoriser l’estime de soi, la dignité et la participation sociale de chaque individu. Le droit au choix vestimentaire, comme tout autre aspect de la vie, dépend beaucoup du soutien, tant physique que social, que les personnes accompagnées reçoivent.